Athome Production
On en parle...
Octobre 2024
Trocarn est un groupe né à la fin des années 1970 à Genève, issu de la mouvance progressive qui était en train de sombrer. Constitué de quatre membres genevois (Christian Fues, Manuel Munoz, Christian Pidoux et Raphaël Hardrick), Trocarn consacra une dizaine d‘heures en studio pour produire quelques exemplaires du vinyle éponyme. La formation donna quelques concerts à Genève et à Paris (Golf Drouot) entre 1977 et 1978, puis disparut corps et âme.
Christian Fues, guitariste, musicien autodidacte, poursuit l’aventure en électron libre, ainsi qu’au travers de diverses formations, jusqu’à nos jours. Il collabore épisodiquement avec Pascal "Passe-Fil" Neumann, musicien, poète et complice de toujours.
Les éclucubrations de Christian.
En 2007, le suisse Christian Fues, "guitariste, musicien autodidacte et non professionnel" (c'est ainsi qu'il se présente sur son site), aidé de quelques amis, arrivait à nous enthousiasmer (cf Big Bang # 67) en redonnant l'éclat athomique de la jeunesse, sous le nom de Trocarn II, à un disque vieux de 30 ans et qui allait être l'unique production du groupe Trocarn, une sorte de Ange helvète. L'année suivante, en 2008, Christian élaborait, de nouveau sous le nom de Trocarn, une intéressante compilation de ses titres préférés parmi les nombreuses compositions de la longue carrière (son "hobby persistant"), s'étendant de 1974 à aujourd'hui, émaillée d'albums en solo, en duo ou en groupe. Ce qui nous permettait de mesurer le chemin parcouru depuis ses premières compositions influencées par les pièces acoustiques de Genesis et par le premier King Crimson, suivies des chansons sobrement accompagnées à la guitare acoustique et électrique dans la veine un peu désuète du terroir chère aux premiers albums de Ange. Mais ce qui était le plus à même d'éveiller un intérêt notable et durable en nous, inconditionnels des musiques progressives, restait l'album Trocarn de 1977 et sa superbe révision radicale de 2007.
Depuis cette compilation, nous n'avions pas eu de nouvelles musicales de Christian Fues, mais je sais qu'il y connu, comme probablement la plupart d'entre nous, des drames, des joies et des peines. Nous retrouvons la trace d'un certain nombre d'entre eux sur Elucubrations, le nouvel album de Trocarn que nous pourrions un peu facilement rebaptiser "Les élucubrations de Christian", soulignant ainsi le fait qu'il a été pratiquement seul à le réaliser, de la composition et l'interprétation à la création artistique des pochettes du digipack. Elucubrations est un disque réellement attachant que j'ai plaisir à défendre, malgré ses rares et relatives faiblesses (quelques imperfections stylistiques sur "Logic's Oh Yeah Celebration") ou parti-pris bizarres (le mixage en retrait de certaine parties chantées nous empêchent de comprendre les textes au demeurant intéressants) qui par contraste rendent encore plus brillante la réussite de l'ensemble de l'album.
Qui n'a pas succombé à la facilité de mesurer un disque à l'aune de ce que nous pensons être les influences par toujours conscientes de l'artiste, ses références plus ou moins assumées ou les citations plus ou moins explicites incluses dans son oeuvre ? Au-delà du côté ludique de l'exercice, ce petit jeu rassure, au moins le chroniqueur, si ce n'est le lecteur. Avec Elucubrations, l'exercice est difficile et périlleux. On serait tenté de citer Mike Oldfield (celui des grands albums des seventies, mais pas seulement) comme principale source d'inspiration (les programmations rythmiques, les percussions, les chœurs, les cordes symphoniques en intro de "Music", les chorus de guitare aigües, la construction de "Logic's", les marimba du début de "Cloud's" Chaser"...), mais ça n'est certainement pas la seule (Steve Hackett et Anthony Philips comme emblèmes vernaculaires, Ange comme lointain cousin de coeur, Archive comme pont entre le passé et l'avenir...) et elle est suffisamment bien assimilée, intégrée à la sensibilité très personnelle de Fues que sa musique, incomparable, et capable de nous emmener très loin, parfois plus loin que le meilleur d'Oldfield lui-même, en nous faisant ressentir des émotions qui équivalent à faire l'amour avec le vent, le vent qui s'emballe, lentement, se dédouble, nous contourne, revient et nous pénètre.
Bien entendu, on ne retrouve pas le niveau exceptionnel d'un "Ommadown Part One" qui ensuite nous rendait incapable d'écouter quoique soit d'autre pendant plusieurs heures (Oldfield lui-même n'a jamais fait mieux); mais par sa diversité thématique, sa puissance mélodique, son intensité dramatique, son élégant stylistique, son inspiration de tous les instants, son lyrisme nuageux, ces successions d'harmonies, d'accords et d'arpèges somptueux qui apparaissent, se fixent dans le ciel et sans prévenir disparaissent sous nos yeux avec le soleil, ses montées chromatiques inattendues vers le ciel, Elucubrations s'en approche et c'est inespéré.
Mais Elucubrations n'est pas une oeuvre nostalgique et passéiste. "The World Is.." qui souligne la folie du monde actuel, morceau imprégné de synthés et de programmations Electro, en son Thomas Dolby stéréo, est placé aux avant-postes pour nous le démontrer. At Home Production, peut-être, mais dans ce cas, c'est une maison moderne et favorable et l'inspiration et la créativité.
Un autre morceau révèle particulièrement l'ambition artistique du disque. Mais comment décrire convenablement "Music" ? Plutôt compter les gouttes dans une flaque d'eau. La partie chantée et une ode composée il y a plusieurs décennies, une sorte de déclaration d'amour à la musique au sens large mais le développement musical qui s'étend sur les 10 minutes suivantes, et un surprenant et aventureux morceau de bravoure, ouvert aux musiques sous des formes les plus variées, de la samba au reggae en passant par la valse triste et le prog symphonique ou métallique. L'intermède world music, qui peut paraître incongru lors de la première écoute, exploite le thème principal sur un rythme et des arrangements qui vous englobent et vous donnent l'impression d'être la poussière de la terre virevoltant sous le ciel du Brésil et de la Jamaïque.
"Cloud's Chaser" (8:10) est l'autre pièce majeure, avec ses textes aussi déchirants que sobres et pudiques. Je crois qu'Hemingway disait à peu près ça : "mon meilleur psy, c'est ma corona" (pas la bière mais la machine à écrire). Le revoilà peut être le vieux principe de la guérison par les mots, frères de souffrance, jusqu'à ce que la joie salvatrice finisse par dominer et dépasser la douleur. Même la partie instrumentale qui remplace ces mots douloureux semble venir de loin, du fond de l'être, calme mais persistante comme une pluie fine, avec un battement plus silencieux que des feuilles qui tombent. L'esprit accompagne alors la musique jusqu'au coeur du bien-être. La raison flotte, la notion du temps disparait, remplacée par la sensation de se perdre jusqu'à notre dernier souffle. Ce souffle qui chasse définitivement les nuages...
Alain Succa
Trocarn : "Elucubrations" (2015) Sui - Athome Production - 58:12
I N T E R V I E W : Voir article (PDF)
Sept ans après avoir redonné vie à l’unique album de Trocarn, paru dans la plus grande confidentialité en 1977, Christian Fues, aujourd’hui seul maître à bord, a enfin décidé d’en proposer une suite. Il était temps en effet, car le bonhomme, multi instrumentiste à la sensibilité débordante, possède une personnalité artistique à nulle autre pareille. Humble artisan musical, Christian Fues offre ici une œuvre originale, constituée de 8 morceaux (de 2 à 13 minutes) qui forment un tout harmonieux et poétique. Toujours situé dans le sillage de Genesis et d’un certain prog à la française (le phrasé et la poésie des quelques parties chantées), Elucubrations s’en démarque cependant ici plus que sur son devancier et évoque le symphonisme inspiré et inspirant de Ashes Memory de Pulsar. On y retrouve en effet la même référence aux années 70, mais accompagnée d’une plus grande modernité formelle, au services de mélodies toujours très soignées et d’une magnifique musique très souvent cinématique. http://www.cosmosmusic.fr/
Au départ, Trocarn est un LP tiré à 1000 ex en 1977, que son auteur a réenregistré pour lui redonner des couleurs. La bonne idée! Voici un sympathique album aux contours symphoniques et délicats, pouvant rappeler la mélancolie de PULSAR, ou encore Harmonium, Ange et Genesis. La boîte à rythme, plutôt bien employée ne dessert pas un résultat final convaincant. A découvrir donc! (site fermé en 2012)
ハケット、アンソニー・フィリップス・ファン注目! 77年のレア・シンフォ作から30周年記念としてリリースされた07年作。オリジナル作を元に現在のアイデアも加えられ、フランス語によるヴォーカルをジェネシスやマイク・オールドフィールド影響下のシンフォに溶け込ませ、ファンタジーのあるサウンドに仕立てている。ヴィンテージがミックスされた独特の芳香があり、空想的な詩情がガラス細工のように美しい。パートによってはPULSARを思わせる幻想性も現れ、時折入る女性ヴォーカルも天使のようだ。スイスというよりはフレンチ・シンフォのパースペクティヴがある。自主盤。 SWITZERLAND
Il est toujours agréable de recevoir une bonne surprise. Ce disque en est une, sortie des rives du lac Léman (Nyon en Suisse). Enregistré en une semaine en 1977, édité en version vinyle à un millier d’exemplaire seulement, on ne peut pas dire que la parution de l’unique album de ce groupe francophone ait bouleversé les foules à l’époque.
30 années après, une version CD voit le jour ; hasard du calendrier ou contexte favorable, à peu près en même temps que le nouveau et inattendu Pulsar auquel il renvoie involontairement sur le plan musical. Et même si la démarche des deux groupes est différente, les timbres de voix des chanteurs, leur sensibilité en tant que guitariste, les ambiances fragiles et nuageuses, les fortes évocations d’un certain passé glorieux du prog’ symphonique sont autant de correspondances qu’il est difficile d’ignorer.
Si l’effort créatif de Pulsar avec leur récent Memory Ashes constitué de compositions inédites, semble à priori plus évident, celui de Trocarn II qui reprend la plupart des compositions du Trocarn première mouture, est tout compte fait plus impressionnant. En effet, Christian Fues , guitariste suisse (que nous reste t’il aujourd’hui en mémoire du prog’ suisse francophone? Galaad ?) et principal artisan de Trocarn, a pour l’occasion bien fait les choses et ne s’est pas contenté d’un dépoussiérage de surface. Il a pris l’option radicale de retravailler l’ensemble de son oeuvre originelle, de compléter et de prolonger les mélodies ainsi mieux maîtrisées, d’étoffer et de réarranger les harmonies puis de réenregistrer le tout dans son home studio avec la technologie actuelle l’ensemble de l’oeuvre originelle. En prenant même soin d’inviter certains des membres fondateurs du groupe. On obtient à la sortie une oeuvre singulière, moderne et classique à la fois. Et à partir d’un disque de prog’ tranquille, catégorie « terroir et désespoir », qui en 1977 ne fonctionnait qu’à moitié, comme si le Lavilliers de « Betty » se serait piqué de faire du Pulsar, on obtient une vraie fusée de prog’ intemporel, gorgée d’émotion à fleur de peau et de moments de grâce; comme si le Pulsar emporté par le vent de Strand of The future était culbuté par l’Ange à l’inspiration magnifié de Guet Apens (1978), ce qui est particulièrement flagrant sur « Malaise » (5 :41), troublante chanson semi acoustique qui, déjà en 77 préfigurait le ton qu’allait donner Ange au morceau «Le Berger».
Bien qu’il soit apparemment plus aisé de créer à partir d’une matière déjà existante que de le faire ex-nihilo, ce foisonnement d’idées, ces jaillissements d’inspiration, venant qui plus est du cerveau d’un seul homme, sont dignes du plus grand intérêt voire d’éloges que je n’hésite pas une seconde à faire, comme si ce disque rafraîchissant avait été fait pour ma propre jouissance. Car me voilà une fois de plus séduit sans trop de réserve par du prog’ produit à l’ombre des Alpes. A tel point que j’en oublierais presque les inévitables limites de la démarche : une production honorable, plus inventive que flamboyante, le chant de Christian Fues plus attachant que puissant, les programmations rythmiques, discrètes et variées, qui ne peuvent faire oublier l’absence du vrai batteur du groupe d’origine.
Détails que tout cela. La nouvelle version de Trocarn fonctionne à merveille. De l’extraordinaire « Naïf » (9 :50), croisement entre Steve Hackett et le meilleur Ange symphonique, à « Le Paysan » (21 :52) qui m’émeut comme ont pu m’émouvoir les deux pépites d’Hecenia ou certaines oeuvres particulièrement inspirées de XII Alfonso, et dont le final répétitif devrait imprégner nos esprits aussi longtemps que l’a fait en son temps celui de Shadow Of The Hierophant (Hackett – 1975), un morceau engendre l’autre avec sincérité, humilité, simplicité qui sont l’inverse de la facilité et qui n’empêchent pas l’inventivité; avec une absence de vulgarité, tout droit sortie d’une époque révolue, loin des chemins démonstratif et maintes fois piétinés qui font passer un riff de guitare hard prog pour le summum de la créativité; et avec une émotion qui pourrait passer pour de la sensibilité mais qui représente quelque chose d’extrêmement important, car elle permet à l’homme sensible qui la crée ou à celui qui la reconnaît et l’apprécie, de ressentir à quel point l’art est une force nécessaire dans nos sociétés souvent douloureusement mauvaises.
Le sens de la vie a le goût de ce genre d’oeuvre, tombée de nulle part et qui laisse une belle empreinte sur le point d’impact. Habituellement, le temps est célèbre pour ses travaux de démolition. Mais ici, la vie et le temps ont reconstruit quelque chose d’unique à partir de la mémoire, de la volonté d’un homme et de son amour de la musique progressive des seventies, du romantisme des premiers Genesis (les arpèges du « Paysan » ou celles du « Condamné ») à la fièvre de Shylock, le tout ciselé avec une finesse d’estampe japonaise proche de celle d’un Vermillon Sand et enluminé de l’or de nombreux chorus de guitare à la beauté de légende. En respectant ses idéaux, Christian Fues nous propose avec Trocarn II un album qui coule de source et pour une fois, c’est l’eau qui pourrait donner des leçons à la source.
Alain SUCCA
I N T E R V I E W : Voir article (PDF)
Il n’est pas à proprement parler la réédition en CD de l’unique album vinyle de ce groupe suisse francophone, paru initialement en 1977. En réalité tous les morceaux ont été réenregistrés avec les technologies actuelles, mais avec le souci de conserver l’état d’esprit et les sonorités de l’époque. De là vient le numéro « II ». Deux titres ont été ajoutés qui n’apparaissaient pas dans l’album d’origine : « The One » et « La petite fille de l’air », et dans un souci perfectionniste quelques idées nouvelles ont été incorporées. Il fallait être sacrément gonflé en 1977 pour sortir un disque pareil, complètement à contre courant de tout ce qui se faisait à l’époque. Je ne suis pas sûr que les ventes aient été fructueuses à l’époque, même sur le millier d’unités éditées, et de toute façon sur un plan purement artistique cela n’a pas grande importance.
Christian Fues est le principal instigateur de l’entité Trocarn dont il assure guitares, basse, claviers, programmation batterie, synthé et chant. La voix de sa fille Melanie est utilisée, de même que celle de Frank Grosset dans le rôle du « paysan ». Surtout il a pu convaincre Christian Pidoux (clavier et bassiste du groupe d’origine) de se joindre au projet. Enfin, Serge Castellano est venu poser son saxo pour un très beau solo dans « Jonathan ».
La grosse voix de Christian Fues est très proche de celle de Christian Décamps, ce qui tend à rapprocher Trocarn avec Ange, ou plus précisément de son cousin vocal Bernard Lavilliers. Dans l’ensemble les parties vocales sans être déplaisantes ou déplacées ne m’ont pas emballé, surtout les interventions de Franck Grosset dans le rôle du « Paysan ». Son interprétation trop retenue ne fait pas preuve d’une grande conviction, on aurait aimé plus d’outrance afin de coller au mieux à l’histoire. Cependant l’essentiel du disque est instrumental. La tonalité est principalement acoustique et assez dépouillée, avec une dimension rock réduite au minimum. Il est un peu regrettable d’avoir eu recours à des programmations rythmiques, car tant qu’à réenregistrer d’anciens morceaux, autant faire appel à un vrai batteur, mais je suppose que cela n’a pas été possible. Cela dit, étant donné la dominante acoustique et atmosphérique de la musique, l’aspect rythmique est secondaire et on oublie bien vite ce petit défaut.
Les textes sont légers et sans prétention, parfois même un peu naïfs, basés sur des thèmes proches de la nature et de l’imaginaire. De tout cela émane donc un côté très romantique, poétique et hors du temps, où l’ombre de Mike Oldfield est souvent palpable, caractère accentué par une proximité des sons de guitare électrique. L’emploi très fréquent de doux arpèges de guitares, entrelacés ou non, fait penser au travail de Anthony Philips et Steve Hackett dans les premiers Genesis. Les claviers sous forme de nappes ou aux sonorités symphoniques apportent une douceur et une suavité et l’on retrouve actuellement plus souvent chez les représentants sud-américains du rock progressif que dans nos contrées européennes. Un passage sautillant, quasiment folklorique, sur « Le condamné – partie 3 » apporte à un moment une petite touche bienvenue de Yann Tiersen, ce musicien lui aussi hors mode, compositeur entre autre de la B.O. du film « Amélie Poulain ». L’album se termine par « Le paysan », plus long morceau du haut de ses 22 minutes. On n’est que moyennement convaincus de la nécessité d’une telle durée pour une telle musique plutôt avare en rebondissement, mais aucune faute de goût ne pointe le bout de son nez.
Vous l’aurez compris les fans exclusifs de musique démonstrative et débridée passeront leurs chemins. Les amateurs de progressif chanté en français, d’atmosphères sereines introverties et de douces mélodies caressantes devraient trouver leur intérêt parmi les 8 morceaux délicatement tissés et rafraîchis par ce mini-groupe.
Michael FLIGNY
Et ben mes gaillards, c’est l’époque qui veut ça ou quoi ? Une réédition pile trente ans plus tard d’une petite perle monalisesque de chez nos voisins francophones de Suisse ! Trocarn, appelé II mais faut pas s’y fier, c’est bien le seul et unique album qui se voit réédité tant d’années après sa parution confidentielle. II porte ce nom car il s’agit d’une véritable résurrection laser d’un bon vieux vinyle, augmenté de deux titres supplémentaires.
L’aventure pour Christian Fues a commencé en juillet 2001 quand il décide de réactualiser l’album de sa jeunesse en ressortant sa vieille guitare qui ne l’a jamais quitté. Six ans de boulot avec le concours du bassiste et claviers d’origine, Christian Pidoux, de sa fille Mélanie Fues pour les voix, Frank Grosset en narrateur et Serge Castellano au saxo pour enjoliver, rajouter, fignoler sur ce qui existait (mal) ou pas à l’époque du vinyle. Joli travail de réchappage pour un album qui ne manquait pas de joliesse, bien dans l’air du temps progressif de 77, à la jointure du progressif qui semblait s’installer et du punk qui n’allait pas durer. Un opus typiquement français par son esprit, sa musique, ses dessins de pochette et encore cette naïveté folklorique si chère au progressif de langue française.
Oh, Christian Fues n’est pas non plus resté inactif durant ces trente années, témoin ces nombreux albums solo ou sa participation à Moonchild mais c’est au fond sa première histoire d’amour avec la musique qu’il a voulu restituer, le son revu et corrigé à l’aune de l’ordinateur. Une gracieuse récréation rafraîchissante qui n’a pris que les rides que certains voudront bien y discerner plutôt que de se laisser aller aux charmes passéistes d’un prog’folk enchanteur.
Bruno VERMISSE
D’abord replacer la chose dans son contexte. Son historique. Car ça en vaut la peine. Ce n’est pas tous les jours. Un tel projet. Avec de l’investissement. Du travail. Et du sentiment. Genre, passion. Genre, obstination. Voire même amour, côté frissons. Et cet album m’en a donné quelques-uns, côté échine, des frissons.
L’âme, c’est Christian Fues (compositeur et multi-instrumentiste), co-fondateur de TROCARN. Pour un I (1977) enregistré en 10 heures de studio, Fues investit 6 ans de « loisirs » dans le II : Réécriture et réinterprétation de l’album d’origine (moins un morceau, dont l’auteur est « introuvable », plus deux morceaux simplement « live » à l’époque), bien plus qu’un simple réenregistrement. Résultat ? Des arrangements qui coulent comme eau dans la main, inspirés et précis, des compositions qui s’envolent, comme hirondelles au soleil, sensibles et peaufinées, dans la meilleure tradition symphonique, dont Ange ou Genesis – quand ils étaient en forme – nous ont fait profiter.
Les perles : j’ai un faible pour le Naïf – et peu importe le qu’en-dira-t-on, Lecteur, j’assume pleinement ce penchant poético-lyrique : tout y est, les élans et les ardeurs, les changements de rythme, la fougue des instruments, la candeur des textes. De même pour la « Petite fille de l’air », qui me transporte furieusement du côté de Musical Box. The One surprend par son intro au violoncelle, que la cloche titille ensuite, avant de s’envoler dans un solo digne de Steve Hackett et de s’étourdir d’une étonnante partie de grandes orgues. Jonathan , avec son élégante intro au clavecin, s’articule autour d’un texte naïf mais touchant, bercé avec douceur avec la guitare, tantôt acoustique, tantôt électrique, épicée d’un opportun solo de saxophone. La grosse pièce (Le paysan, 20’37) nécessite une écoute « à la lorgnette » pour se transformer en (très) belle pièce, en particulier pour intégrer les parties vocales moins immédiatement (mais on a le temps, Lecteur) probantes.
Au bilan ? Pour faire le difficile, on peut regretter l’absence d’une vraie batterie. Mais avant tout, on (re-)découvre là un splendide album, un cru de 30 ans d’âge, sorti de son fût, révisé et enrichi par la patience entêtée de son créateur.
B. VINCKEN
Trocarn is een Frans / Zwitserse progband die in 1977 hun enige gelijknamige album uitbrachten. Sinds 2001 is Christian Fues (gitaar, bas, toetsen, drumprogramming en zang) bezig met een heruitgave van die plaat. In plaats van de originele opnamen op te poetsen, koos hij er voor om de muziek opnieuw op te nemen, gebruik makend van de huidige technologie. Heeft hij hier slim aan gedaan? Nou, ja en nee.
Ik ken de LP niet maar het had me wel leuk geleken om vergelijkingsmateriaal in handen te hebben, bijvoorbeeld in de vorm van een bonus-CD. De muziek ademt nog wel de sfeer uit van de jaren 70, maar het klinkt voor mij op deze manier allemaal net iets té gekunsteld. Twee voorbeelden: de drums komen uit een doosje, de viool in het openingsstuk Le Naïf is gesampled. Ik vind dat een beetje jammer want de muziek is zeer behoorlijk. Het is sterke symfo met mooie melodieën en goed gespeelde instrumentale passages. Zang (van Christian Fues en Melanie Fues) wordt sporadisch ingezet. Van de oude band is, naast Fues, alleen toetsenman Christian Pidoux over en die speelt nog niet eens op alle nummers mee.
V ooral een nummer als La Petite Fille de L’Air, dat niet op de LP staat, kent een aantal prachtige onderdelen. Jonathan klinkt jazzy door de toevoeging van saxofoon. Dat had van mij niet zo gehoeven: het overheerst de muziek direct zo. Hoogtepunt is het lange, bijna 21 minuten durende La Paysan dat zeer afwisselend is met gave gitaarsolo’s en een fraai einde. Het is een mooi initiatief om deze sterke muziek weer uit te brengen maar persoonlijk zou ik het toch iets anders hebben gedaan.
Paul RIJKENS
http://www.iopages.nl